La décentralisation et ses effets sur la gouvernance urbaine en Afrique

L'importance des villes africaines en tant qu'acteurs économiques, politiques et sociaux ne cesse de croître. Alors que l'Afrique était perçue comme un continent essentiellement rural, on estime que d'ici 2050, la population urbaine du continent augmentera d'environ 900 millions de personnes, soit un quasi-triplement[1].

Les dix villes qui connaissent la croissance la plus rapide au monde se trouvent toutes en Afrique et, bientôt, plus de la moitié des Africains vivront dans des villes[2]. L'Afrique subsaharienne devrait connaître une croissance majeure : alors que l'Afrique du Nord est déjà majoritairement urbaine, la part de la population urbaine en Afrique subsaharienne s'est elevée à 42 % en 2021[3]. La croissance rapide des villes se fait souvent de manière non planifiée et les villes peinent à fournir des infrastructures et des services adéquats à leurs habitants. Si les citadins sont, en moyenne, plus riches que les Africains des zones rurales, la majorité d'entre eux vivent dans des conditions précaires souvent qualifiés de quartiers informels[4]. La capacité des villes à relever ces défis repose principalement sur les performances de la gouvernance urbaine.
La gouvernance urbaine fait référence aux structures et aux processus par lesquels les acteurs informels et formels prennent et mettent en œuvre des décisions sur la manière de planifier, de financer et d'administrer les villes[5]. La gouvernance urbaine implique de multiples acteurs et de multiples échelles. Outre les acteurs municipaux, d'autres acteurs tels que les organisations non gouvernementales, les chefs traditionnels, le secteur privé, les donateurs internationaux et les gouvernements nationaux ou infranationaux participent à la gouvernance des villes en dialogue avec les citoyens[6][7]. Les réformes de décentralisation font partie intégrante du processus politique de (re)définition et de négociation des structures appelées "gouvernance urbaine". En termes généraux, la décentralisation vise à transférer des compétences et des ressources du gouvernement central vers des niveaux de gouvernement infranationaux définis territorialement, y compris les villes et les municipalités. Les politiques de décentralisation définissent la manière dont les acteurs des différents niveaux de gouvernance (national, régional, local) collaborent et formulent des règles et des réglementations organisant les relations administratives, politiques et fiscales entre ces niveaux. Les politiques de décentralisation sont donc d'une importance cruciale pour la gouvernance urbaine, car elles déterminent l'environnement institutionnel dans lequel elle se déroule. Elles ne définissent pas seulement les compétences des acteurs municipaux, mais aussi leur niveau de discrétion dans différents domaines. Cependant, la décentralisation n'est pas un processus stable et linéaire, mais plutôt une évolution continue et contestée dans laquelle les acteurs municipaux jouent un rôle important en négociant leur accès au pouvoir et aux ressources[8]. La concurrence qui caractérise les jeux de gouvernance et de mise en place des structures de gouvernance des villes en font des processus intrinsèquement politiques.
>>> Ce contenu est disponible en anglais : Decentralization and its effects on urban governance.
[1]. “Africa’s Urbanisation Dynamics 2022: The Power of Africa’s Cities”, OECD, UNECA & AfDB, 2022, disponible à l'adresse suivante : https://doi.org.
[2]. “The World’s Cities in 2018. Data Booklet”, ONU, 2018, disponible à l'adresse suivante : www.un.org.
[3]. “Sub-Saharan Africa: Urbanization from 2011 to 2021”, Statista, 2023, disponible à l'adresse suivante : www.statista.com.
[4]. “Africa’s Urbanisation Dynamics 2022: The Power of Africa’s Cities”, op. cit.
[5]. Cette définition s'appuie sur les principales caractéristiques de la définition d'ONU-Habitat. Toutefois, l'auteur ne partage pas les composantes normatives de la définition qui présupposent que la gouvernance urbaine est ou devrait être propice à la promotion de la responsabilité, de la transparence et de l'État de droit. Voir : https://unhabitat.org.
[6]. S. Schlimmer, “Governing Cities in Africa: A Panorama of Challenges and Perspectives”, Études de l’Ifri, Ifri, Février 2022, p. 15.
[7]. Les termes "local" et "infranational" sont utilisés dans ce document conformément à l'OCDE. Alors que le terme infranational fait référence à tous les niveaux de gouvernement inférieurs au niveau central, le niveau local exclut les États fédéraux, voir : “Regions and Cities at a Glance”, Paris: OCDE, 2018, p. 163, disponible à l'adresse suivante : https://doi.org/10.1787.
[8]. Pour une lecture politique de la gouvernance urbaine, voir également : S. Bekker et L. Fourchard, Governing Cities in Africa: Politics and Policies, Le Cap, HSRC Press, 2013.
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