Les investisseurs chinois en Éthiopie : l’alliance idéale ?

Depuis la fin du régime du Derg en 1991, les relations entre la Chine et l’Ethiopie n’ont cessé de s’améliorer et les intérêts économiques des deux pays de converger.

D’un côté l’Ethiopie cherche à reproduire l’expérience des pays d’Asie de l’Est (Taiwan, Malaisie et Chine en particulier) et à accélérer son développement industriel en s’ouvrant aux investissements directs étrangers, notamment par le biais de zones économiques spéciales (ZES) et la mise en place d’un plan ambitieux de parcs industriels. De l’autre, la Chine cherche pour sa part à exporter son modèle de développement (y compris les ZES), à délocaliser les activités manufacturières les plus intensives en main d’œuvre et à promouvoir la connectivité entre l’Asie et le continent africain. C’est dans ce cadre que le gouvernement chinois a lancé la création de ZES dans 19 pays dont une en Ethiopie, la Zone Industrielle Orientale – ZIO- située à Dukem à une trentaine de kilomètres au sud-est d’Addis Abeba.
La Chine est aujourd’hui le premier investisseur étranger dans le pays. A la différence de ce que l’on observe dans nombre d’autres pays africains, les investisseurs chinois ne sont pas en quête de matières premières en Ethiopie ; ils se concentrent sur les activités manufacturières et les infrastructures. Dans ces conditions, ces investissements étaient censés faciliter la transformation économique du pays et déboucher sur un résultat gagnant-gagnant.
Mais la réalité est pour l’heure bien différente. Même s’ils ont sans conteste contribué à l’industrialisation du pays, en permettant l’émergence de zones industrielles et le financement d’infrastructures, ces investissements directs chinois n’ont pas permis de transformer en profondeur l’économie locale. Les retombées positives, qui passent par la création de liens entre les investisseurs étrangers et les acteurs locaux (que ce soit en aval ou en amont) sont demeurées limitées, notamment en raison de la qualité insuffisante des fournisseurs locaux, mais aussi de la faiblesse des transferts de connaissance pour une main d’œuvre peu qualifiée. Pour toutes ces raisons, les investissements directs étrangers et en particulier les ZES n’ont pas joué le même rôle de catalyseur industriel que dans la Chine de la fin des années 1980.
Ces résultats décevants sont en partie à mettre sur le compte de la politique suivie par les autorités éthiopiennes. La stratégie duale qui s’appuie à la fois sur des ZES sous contrôle étranger privé et sur des parcs industriels nationaux a certes des avantages dans la mesure où elle ouvre un plus grand nombre de possibilités, mais en privilégiant les intérêts étrangers privés elle ne permet pas toujours d’aligner les activités industrielles sur les objectifs nationaux en matière de développement industriel.
Certains événements récents suggèrent toutefois que les choses pourraient bien évoluer dans le bon sens. D’une part la stratégie de l’Ethiopie met désormais plus l’accent sur le développement des parcs industriels nationaux, qui obéissent à une logique plus proche de celle suivie par les pays d’Asie orientale. D’autre part certains projets récents, comme la zone économique spéciale chinoise mise en place par l’entreprise chinoise Huajian, correspondent mieux aux objectifs de développement industriel local. Il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur le sort et l’impact de ces différents projets, mais les perspectives paraissent bonnes, à condition toutefois que les mesures appropriées soient mises en place pour améliorer le climat des affaires et la capacité de la main d’œuvre à absorber les retombées positives éventuelles.
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