Israël-Iran : pourquoi Moscou refuse d'épauler ouvertement son allié Téhéran
Lors d'une interview aux grandes agences de presse mondiales, Vladimir Poutine s'est montré évasif sur le dossier iranien. Une prise de distance avec un allié historique alors que Moscou et Téhéran ont signé un partenariat stratégique.

Plutôt discret depuis le début de l'offensive israélienne sur l'Iran, Vladimir Poutine a accordé mercredi soir - avec six heures de retard - un rare entretien aux grandes agences de presse internationales. Attendu sur le dossier brûlant de l'Iran, son allié, le maître du Kremlin a rapidement éludé la question en brandissant le joker diplomatique, pour mieux recentrer l'interview sur le sujet ukrainien.
Jouant les équilibristes, Vladimir Poutine a défendu le droit de Téhéran à développer un programme nucléaire pacifique, et celui d'Israël d'assurer sa sécurité. Pas question non plus d'envisager une élimination d'Ali Khamenei pour mettre fin à l'affrontement, comme le suggère Benyamin Netanyahou.
Faire ami-ami
Dans ce conflit entre l'Etat hébreu et le régime des mollahs, et « comme toujours au Moyen-Orient, Moscou préfère faire ami-ami avec tous les pays, qu'importe leurs différends régionaux », explique Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Sur le papier, l'Iran est bien le principal allié de la Russie au Moyen-Orient, tous deux partageant la même aversion d'une hégémonie américaine. Les deux puissances ont d'ailleurs signé en janvier dernier un partenariat stratégique économico-militaire pour faire face aux « menaces communes à la sécurité ».
Le texte prévoyait en autres un renforcement de la « coopération militaire » entre Moscou et Téhéran. Mais « à la différence de celui conclu avec la Corée du Nord, cet accord n'est pas un pacte de défense mutuelle », pointe Tatiana Kastouéva-Jean. Alors la Russie a beau entretenir « de très bonnes relations avec l'Iran », elle ne volera pas au secours des mollahs, a clarifié Vladimir Poutine.
« Pas les capacités militaires »
Par ailleurs, « enlisé sur le front ukrainien, Moscou n'a pas les capacités militaires pour venir en aide à son allié », abonde la spécialiste de la Russie. Ayant besoin de tout son arsenal militaire, elle ne peut fournir à l'Iran aucun missile balistique, les seuls qui permettent à Téhéran de frapper Israël.
Mais même si ses réserves étaient pleines, pas sûr que Moscou livrerait une cargaison. « Israël n'est pas un pays ennemi de la Russie », rappelle Tatiana Kastouéva-Jean, et « soutenir l'un reviendrait à s'opposer à l'autre ».
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Succès diplomatique passé
En réalité, « la stratégie d'équilibriste de la Russie vise à reproduire un succès diplomatique passé », analyse l'experte. En ne froissant personne et en proposant sa médiation, Vladimir Poutine espère réussir à nouveau le tour de force opéré en 2015. « Mis au ban par la communauté internationale après l'annexion de la Crimée, Moscou était revenu à la table des nations, par le biais de son opération militaire en Syrie - ce qui avait forcé de nouvelles négociations - et de son arbitrage sur le deal nucléaire iranien », détaille-t-elle.
En ménageant la chèvre et le chou, Moscou profite également du détournement de l'attention internationale, qui délaisse l'Ukraine pour se concentrer sur le Moyen-Orient. De plus, la hausse du prix du pétrole provoquée par le conflit israélo-iranien profite à la Russie, dont l'économie est aujourd'hui au bord de la récession.
Pour l'heure, rien ne pousse donc Moscou à renoncer à son attentisme. Et si le régime iranien venait à tomber, Tatiana Kastouéva-Jean en est sûre, Moscou s'accommoderait avec le nouveau pouvoir en place. Comme en Syrie.
>> Lire l'article en intégralité sur le site Les Echos.
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