Minorités, nationalités, États
Jean-Christophe Rufin a été administrateur de Médecins sans frontières (1991-1993), puis de la Croix-Rouge française (1994-1996) et président d’Action contre la faim (2002-2006). Il a été ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie de 2007 à 2010. En parallèle à ses activités humanitaires et diplomatiques, il a mené une carrière littéraire. Il a obtenu le prix Goncourt en 2001 et a été élu à l’Académie française en 2008.
La civilisation, écrivait l'historien Mommsen, est « la transition nécessaire du particularisme cantonal par où commence l'histoire de tous les peuples à l'unité nationale, par où ils achèvent, ou doivent achever la révolution de leur progrès ».
Dans cette perspective classique, les minorités sont synonymes d'archaïsme ; l'évolution des sociétés va dans le sens de leur fusion en ensembles de degré supérieur. Les sociologues sont venus renforcer les historiens dans cette interprétation. Dans la conception de Max Weber, la société se constitue par l'intégration progressive d'unités restreintes et la mise en circulation de leurs traits culturels.
Ceci explique probablement pourquoi, jusqu'à une date récente, la question des conflits entre minorités et Etat est restée peu étudiée dans les relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale. La seule circonstance où les conflits locaux, en particulier dans le Tiers-Monde, ont repris quelque intérêt, c'est dans les cas où l'une des parties en présence était soutenue par une grande puissance : Miskitos contre sandinistes, Erythréens contre Ethiopiens prosoviétiques, Khmers contre Vietnamiens. Mais ces conflits étaient moins étudiés pour leur signification locale que du fait de leur situation au sein de l'affrontement planétaire Est-Ouest, constituant ce que Gérard Chaliand appelle « les faubourgs de l'histoire ».
Dans la nouvelle configuration des rapports internationaux, les conflits liés aux minorités sont en train de quitter cette position marginale pour devenir des questions centrales et décisives.
Inversant la perspective classique, nous devons accepter l'idée que les minorités, loin d'être les vestiges du passé, des entités naturelles que le mouvement culturel dépasserait, sont au contraire renforcées et durcies par le processus d'unification, notamment par l'émergence universelle de l'Etat-nation.
La période de recomposition internationale ouverte par l'effondrement des systèmes communistes s'accompagne d'une forte poussée des mouvements minoritaires et modifie les conditions de leur expression. Quantitativement on note la prééminence actuelle des conflits internes aux Etats ou « liés à la constitution d'un Etat » (en 1988 sur 111 conflits recensés, 99 appartiennent à ces catégories). Ces conflits par division ou éclatement de l'Etat tendent à se multiplier rapidement (Libéria, Somalie, Rwanda, Inde, etc.).
PLAN DE L’ARTICLE
- Définition et plan
- Les processus unificateurs
- Les conflits minoritaires
- Conflits minoritaires et relations internationales
- Conclusion
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Minorités, nationalités, États
En savoir plus
Découvrir toutes nos analysesRussie - [URSS] - Russie
De Nicolas II à Vladimir Poutine, la Russie est passée, au cours du XXᵉ siècle, par bien des métamorphoses. À l'empire tsariste d'avant la Première Guerre mondiale succède l'Union des républiques socialistes soviétiques, l'URSS, dont la vocation révolutionnaire internationaliste exprimée par Lénine cède à l'impérialisme soviétique, continental avec Staline, mondial avec Khrouchtchev et Brejnev. Devenue une superpuissance après 1945, la « patrie du socialisme » ne peut résister à l'éclatement de l'empire qu'annonce la chute du mur de Berlin, en 1989 : en 1991, la Russie renaît donc sur les débris de l'empire, et, avec elle, une nouvelle page de l'histoire russe s'ouvre devant les yeux inquiets du monde. Mais en dépit de ses spécificités et des tensions diverses qui l'ébranlent, entre Nord et Sud, Orient et Occident, christianisme et islam, la Russie fédérale entend bien s'intégrer enfin dans la communauté des grands États et cesser d'être considérée comme un acteur à part des relations internationales.
D'hier à demain : penser l'international (1936-2006)
Ce numéro anniversaire célèbre les 70 ans d'existence de la revue Politique étrangère, créée en 1936.
1900-2000 : Cent ans de relations internationales
Ce numéro spécial de Politique étrangère célèbre 100 ans de relations internationales, de 1900 à 2000.
Politique étrangère, 50 ans d'une revue
Ce numéro anniversaire célèbre les 50 ans d'existence de la revue Politique étrangère, créée en 1936.