D'hier à demain : penser l'international (1936-2006)
Ce numéro anniversaire célèbre les 70 ans d'existence de la revue Politique étrangère, créée en 1936.
« "On ne s’arrête plus", soupirait un Chateaubriand au terme de son âge, "on ne s’arrête plus pour écouter les échos des vieux malheurs"… Révérence gardée, contredisons l’Enchanteur : trop de mondes sont passés sur les soixante-dix ans de Politique étrangère, pour que nous puissions délaisser le retour sur l’histoire.
70 ans : en 1936 l’Espagne était républicaine, la Tchécoslovaquie existait encore, la Russie était soviétique, et l’Europe au centre du jeu… Quelques guerres – de toutes ampleurs – et quelques effondrements d’empires plus tard, le XXᵉ siècle quitte la scène dans un temps mal lisible, où le désordre de l’esprit, la confusion des analyses, semblent l’écho d’une certaine déconstruction du monde. Du moins de ce monde des grands affrontements, des États, des frontières. Que peuvent donc avoir en commun un numéro de PE de la fin des années 1930, et un numéro du début du XXIᵉ siècle ?
Il fallait, pour le savoir, recourir à une mise en scène des idées, ordonner entre hier et aujourd’hui un dialogue de thématiques et de compétences. Sans vouloir faire comparaître des morts, il fallait puiser dans la richesse des auteurs de Politique étrangère pour ordonner une sorte de polyphonie, mêlant plusieurs âges de la réflexion. Et découvrir – est-ce une surprise ? – que beaucoup de problématiques, à défaut des solutions proposées, traversent ces âges.
Les interrogations de Raymond Aron, que décrit Stanley Hoffmann, ou de Marcel Merle, sur le système international, ses acteurs, ses dynamiques, sont-elles si éloignées des analyses de Thierry de Montbrial ou de Pierre de Senarclens, qui prennent pourtant d’abord en compte les formidables bouleversements politiques et techniques de la fin du siècle dernier ? Les belles pages de Richard Coudenhove-Kalergi, écrites au seuil de la Seconde Guerre mondiale, sur la construction de la paix à venir, sont-elles autre chose qu’une méditation sur la construction européenne, et un multilatéralisme à reconstruire – multilatéralisme qu’approchent, chacun dans sa logique, Abdou Diouf et Lakhdar Brahimi ? Quant aux énoncés de Louis Massignon sur la primauté de l’empathie culturelle, ils s’inscrivent naturellement dans les errances actuelles des relations que l’Occident entretient avec les pays d’islam. On passera donc aisément de ces réflexions mystiques aux commentaires politiques de Koïchiro Matsuura sur les permanences et les incarnations variées du facteur culturel dans les relations internationales, et de Jonathan Fox sur la rémanence d’un facteur religieux trop vite marginalisé par les dogmes laïques du XXᵉ siècle. [...] »
(Extrait de l'Éditorial, par Dominique David)
SOMMAIRE
Grands paradigmes et théories des relations internationales
[Pour l'histoire] Raymond Aron et la théorie des relations internationales, par Stanley Hoffmann
Le « système international » : approches et dynamiques, par Thierry de Montbrial
Théories et pratiques des relations internationales depuis la fin de la guerre froide, Pierre de Senarclens
Organisations et interventions internationales
[Pour l'histoire] La paix de demain, par Richard N. Coudenhove-Kalergi
L'ONU survivra-t-elle en 2034 ?, par Lakhdar Brahimi
Afrique : l'intégration régionale face à la mondialisation, par Abdou Diouf
Gouvernance internationale : entre justice et droit
[Pour l'histoire] Le système mondial : réalité et crise, par Marcel Merle
Justice et économie mondiale, par Ethan B. Kapstein
Succès et échecs de la maîtrise des armements, par Jozef Goldblat
Dimensions actuelles du militaire
[Pour l'histoire] L'organisation de la sécurité et les progrès des armes nouvelles, par Charles Ailleret
Les impasses de la contre-insurrection, par Edward N. Luttwak
Vers la fin de la guerre ?, par John Mueller
Nouveaux enjeux de sécurité
[Pour l'histoire] Politique de dissuasion et guerre limitée, par Bernard Brodie
Le terrorisme en perspective, par Daniel Benjamin
La sécurité humaine : un concept pertinent ?, par Mary Kaldor
Mondialisation et rapports Nord/Sud
[Pour l'histoire] Développement du Tiers-Monde et nouvel ordre économique international, par Bernard Chadenet
Comment la globalisation façonne le monde, par Pierre-Noël Giraud
Les enjeux de l'aide publique au développement, par Pierre Jacquet
Prospective énergétique et climats
[Pour l'histoire] L'énergie et l'économie mondiale, par Jacques de Larosière
L'avenir de l'énergie, par John Browne
Climat et longue durée : la variable vendémiologique, par Emmanuel Le Roy Ladurie
Dynamiques démographiques
[Pour l'histoire] L'Europe et ses populations excédentaires, par Robert Rochefort
1935-2035, un siècle de ruptures démographiques, par Jean-Claude Chasteland et Jean-Claude Chesnais
Afrique du Nord et Moyen-Orient : des migrations en quête d'une politique, par Philippe Fargues
Poids des enjeux culturels et religieux
[Pour l'histoire] L'Occident devant l'Orient : primauté d'une solution culturelle, par Louis Massignon
L'enjeu culturel au cœur des relations internationales, par Koïchiro Matsuura
Religion et relations internationales : perceptions et réalités, par Jonathan Fox
***
Mythologies de l'international, par Chantal Delsol
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La mission principale d'un fonds souverain est de constituer une épargne nationale à long terme destinée aux générations futures, en diversifiant ses investissements sur les plans sectoriel et géographique. Dans cette logique, les pays du Golfe ont alimenté pendant de nombreuses années leurs fonds souverains grâce aux gigantesques rentes pétrolières, notamment lorsque les cours du brut étaient au plus haut, atteignant un record historique de 143 dollars le baril en 2008.
Lors de la crise financière de 2007-2008, leur intervention a été déterminante dans le sauvetage du système financier, avec l'injection de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le capital des institutions financières. Depuis, ils n'ont cessé de gagner en crédibilité, en sophistication et en technicité. Ainsi sont-ils à la pointe en matière d'investissement dans l'Intelligence artificielle (IA) et la transition énergétique. De nouvelles orientations dans leurs stratégies d'investissement peuvent avoir des répercussions majeures sur l'écosystème financier mondial.
Aujourd'hui, les fonds souverains du Golfe sont devenus de véritables titans de la finance. Leur influence grandissante reflète un poids financier colossal et une montée en puissance aussi fulgurante que structurée. Voici dix ans, ils contrôlaient collectivement environ 2 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion (assets under management, AUM). En 2025, ce montant a plus que doublé pour atteindre plus de 5 350 milliards de dollars, soit près de 40 % des AUM des fonds souverains dans le monde, estimés à 13 000 milliards de dollars. Le golfe Arabo-Persique est ainsi devenu le centre de gravité mondial des fonds souverains.
François-Aïssa Touazi est senior managing director chez Ardian, leader européen du capital-investissement, en charge des relations investisseurs et des affaires publiques. Il est aussi vice-président des conseils France-pays du Golfe au Medef International et préside la task force sur les fonds souverains.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 90, n° 4, 2025.