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Corée du Nord : provocations, sanctions... négociations ?
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Fidèle à sa diplomatie du " bord du gouffre ", la Corée du Nord continue à souffler le froid et le chaud depuis son essai nucléaire du 9 octobre dernier : une semaine après l'adoption de la résolution 1718 de l'ONU sanctionnant l'essai, elle menaçait de procéder à un deuxième tir, puis, le 31 octobre, annonçait son accord à la reprise des négociations à Six, dans l'impasse depuis septembre 2005. Comme prévisible, Le Cher Leader a posé des conditions à cette reprise, notamment la levée des sanctions financières édictées à son encontre par les Etats-Unis, puis s'est enfermé dans un attentisme spéculatif. Une fois de plus, sous l'apparente bonne volonté des principaux protagonistes à gérer rationnellement une crise dont chacun s'accorde à penser qu'elle peut dégénérer à tout instant et déboucher sur de sérieux incidents, les agendas stratégiques diffèrent profondément.

Nul doute que devant le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, Pyongyang spécule sur les dispositions des démocrates à favoriser un dialogue de nature bilatéral. Toutefois, la situation créée par l'essai nucléaire du 9 octobre n'incite guère à l'ouverture une administration démocrate qui se focalise déjà sur la situation des droits de l'homme, tant en Corée du Nord qu'en Chine. De par ses provocations répétées, tirs de missiles en juillet et essai nucléaire en octobre, Pyongyang a vraisemblablement hypothéqué toutes perspectives réelles d'un assouplissement des embargos bilatéraux décrétés par Washington et Tokyo à son égard. Pour sa part, le volet de sanctions prononcé par le Conseil de Sécurité le 17 octobre[1], renforçant les dispositions déjà prises par la résolution 1695 adoptée le 15 juillet dernier, ne sera pas sans effet sur les revenus, déja très asséchés, de la Corée du Nord. Ce régime ne pourra qu'aggraver la situation de pénurie structurelle, particulièrement aiguë dans le domaine alimentaire, qui caractérise le pays.

Face à un contexte de durcissement international, que la Chine ne pourra que difficilement contourner, on se demande quelle peut être la stratégie suivie par le leadership nord-coréen. Pour certains analystes, l'escalade militaire observée depuis quatre mois marquerait le retour d'influence des hiérarques militaires sur les technocrates conduit par le Premier ministre Pak Pon-ju, à l'origine de la réforme économique amorcée en juillet 2002. Ce scénario, maintes fois évoqué, d'une lutte de factions au sommet de l'Etat kimilsungiste repose la question de la capacité de résistance du régime et de l'après Kim Jong Il. Ce dernier restant aux affaires, nul doute qu'il ne reproduise, dans les prochains mois, sa tactique d'élection : diviser pour survivre et s'emploiera à jouer sur les faiblesses, voire les oppositions. A cet égard, les réactions de la Chine et de la Corée du Sud et leurs soutiens aux sanctions décidées par l'ONU seront primordiales. Séoul, dont la relation politico-militaire avec les Etats-Unis est en cours de renégociation, se sait particulièrement observé. La remise en cause de la coopération économique intercoréenne ou du moins la révision de son niveau, tout comme la redéfinition de la participation sud-coréenne au complexe industriel de Kaesong ou à celui du Mont Kumgang, marquent une inflexion manifeste de la " politique de paix et de prospérité " défendue par le Président Roh Moo-Hyun. Le refus répété des autorités sud-coréennes d'adhérer à l'initiative de sécurité contre la Prolifération, PSI, montrent toutefois les limites que Séoul entend fixer à sa coopération. Le soutien chinois à la mise en œuvre de la résolution 1718, et de façon générale à des pressions accrues contre Pyongyang, se révèle plus ambiguë, à l'image des relations existant entre les deux pays. Pourtant, le raidissement diplomatique de Pékin, amorcé après les tirs de missiles du 5 juillet dernier est perceptible. Ignorée, voire humiliée par un partenaire dont les provocations successives mettent ses capacités de médiations en défaut, la Chine est tiraillée entre son besoin de respectabilité internationale et son souci de ne pas couper les ponts avec son imprévisible allié nord-coréen. Pékin reste en effet fondamentalement hostile au schéma d'une Corée du Nord possédant l'arme nucléaire, susceptible d'échoir, à terme, à une péninsule réunifiée. Enfin, en cas de crise déclarée, l'évolution de l'attitude japonaise quant à sa possession de l'arme nucléaire n'est pas la moindre des inquiétudes chinoises. Dans ce contexte stratégique mouvant, la seule issue acceptable pour le pouvoir chinois demeure les négociations. Il faudrait cependant pour cela que Pyongyang accepte de faire des concessions sur son programme nucléaire.

 

Marianne Peron-Doise est chargée de cours à l'Inalco.


[1] Vote de la résolution 1718 dont les grandes lignes comportent un embargo sur le matériel militaire, balistique et nucléaire, le gel des avoirs bancaires et l'interdiction de déplacement à l'étranger pour les personnes impliquées dans les programmes nucléaire et balistique et enfin, l'inspection de cargos venant ou se rendant en Corée du Nord. Il existe également un embargo sur les produits de luxe destiné à distendre les liens entre le régime et ses cercles proches habitués à la politique des cadeaux.

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