Les impasses de la contre-insurrection
Les nouvelles recommandations des généraux américains pour faire face à l’insurrection irakienne risquent de s’avérer vaines. Celles-ci traduisent en effet les réticences des responsables politiques américains à gouverner directement les territoires envahis. Pourtant, les recettes d’une contre-insurrection réussie sont connues. Elles sont applicables en Irak comme sur d’autres théâtres, mais le refus éthique et inévitable de les mettre en œuvre place les occupants dans une situation difficile.
Les armées modernes restent structurées pour la grande guerre, mais les sociétés développées, dont les familles réduites ont peu de garçons à sacrifier, tolèrent mal les pertes – même les « belliqueux » Américains comptent gravement leurs morts en Irak : en trois ans, on en dénombre moins de 3 000, soit moins que le nombre de tués en un seul jour de bataille des guerres précédentes. Ce refus du sang qui alimente le conflit diminue heureusement la tentation des sociétés développées de se faire la guerre (« pas d’enfants, pas de guerre »), à moins qu’on ne pense qu’une guerre pourrait être entièrement ou très largement aérienne ou navale. Ceci est difficile à imaginer sauf si des îles étaient impliquées, comme dans le cas d’une guerre entre la Chine et Taiwan, elle-même improbable pour d’autres raisons.
Les forces aériennes et navales peuvent être employées contre un ennemi moins développé et assez imprudent pour se reposer sur une défense conventionnelle régulière, mais l’on peut sérieusement douter de l’utilité des forces terrestres de pays développés qui ne tolèrent plus les pertes. Après avoir imposé un blocus à l’ennemi, bombardé pour couper les réseaux électriques, de transport et de communication, après avoir exécuté suffisamment de sorties aériennes pour bloquer les autoroutes, détruire les avions, les missiles, les installations nucléaires s’il y en a, couler les navires et mis en déroute toute force mécanisée déployée – comme les États-Unis l’ont fait en Irak en 1991, en partie en 2003, et comme ils pourraient le faire en Iran –, il ne resterait guère de rôle pour les forces terrestres, sauf celui de déloger l’ennemi du territoire qu’il avait pu occuper ou occuper le sien, toutes manœuvres qui entraîneraient des pertes et pourraient déclencher une insurrection.
Face à une insurrection, les forces navales et aériennes ont peu d’utilité. Les soulèvements ont rarement une dimension maritime importante (le cas sri-lankais faisant exception). L’armée de l’air peut surveiller et transporter, mais les insurgés constituent rarement des cibles stables et contrastées pouvant être attaquées depuis les airs. L’essentiel du travail revient donc aux forces terrestres. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- La théorie de la contre-insurrection
- Quel soutien populaire ?
- Le rôle du renseignement
- Contre-renseignement et échange de renseignements
- Éthique et logistique
- Langue et histoire
- La contre-insurrection en pratique : l’Irak
- Une manière facile et fiable de battre n’importe quelle insurrection
Edward N. Luttwak, ancien conseiller auprès du Conseil national de sécurité, du chef d’état-major de la Maison-Blanche, du Département de la défense et du Département d’État, est Senior Fellow au Center for Strategic and International Studies (Washington, DC). Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le Paradoxe de la stratégie (Paris, Odile Jacob, 1989 pour la traduction française).
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Les impasses de la contre-insurrection
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analyses« Glaives de fer ». Une analyse militaire de la guerre d’Israël à Gaza
Le 7 octobre 2023, l’attaque du Hamas baptisée « Déluge d’al-Aqsa » a provoqué un choc majeur et a conduit Israël à déclencher la guerre la plus longue de son histoire. L’opération « Glaives de fer » se distingue par son intensité inédite, tant par l’engagement de forces terrestres massives que par la puissance de feu déployée.
Comprendre l'écosystème d'acquisition de l'OTAN
L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) achète chaque année des biens et des services à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Il convient toutefois de distinguer ce qui est financé en commun de ce qui l’est nationalement, par chacun des alliés. Cette grille de lecture doit permettre aux entreprises, selon leur taille et leur secteur d’activité, d’identifier les opportunités de marché et quel sera l’acteur de l’acquisition. Il faut donc comprendre la manière dont l’Alliance détermine ses besoins et comment elle les finance afin de pouvoir identifier, selon le secteur d’activité, quels seront les acteurs de l’acquisition.
Les tentations nucléaires de l'Arabie saoudite
L'intégration de l'Arabie saoudite sur la scène internationale et la stabilité régionale, notamment grâce à la réduction de sa dépendance aux énergies fossiles, sont des éléments essentiels à la réussite de la Vision 2030 du Royaume, la priorité absolue du prince héritier. Cependant, les déclarations de Mohammed ben Salmane en 2018 et 2021, indiquant que « si l'Iran développe une bombe nucléaire, nous ferons de même dès que possible », combinées aux récentes frappes contre des installations nucléaires iraniennes clés, ne présagent rien de bon pour l'avenir du Royaume, de la région et du régime de non-prolifération dans son ensemble.
L'Europe à découvert ?
Alors que la Russie continue de menacer l'Europe, l'administration Trump ne cache pas son intention de se désengager – au moins partiellement – de la défense du continent pour se concentrer sur la compétition stratégique avec la Chine. Elle met ainsi la pression sur ses alliés européens pour qu'ils investissent davantage en matière militaire. Le sommet de l'OTAN qui s'est tenu à La Haye en juin 2025 a abouti à des engagements ambitieux des États membres pour relever leurs dépenses de défense.