100 ans de Chine : de la révolte des Boxers au grand pas en avant vers l'intégration globale
1900, 2000 : deux dates clefs dans l’histoire de la Chine. 1900, c’est l’année de la révolte des Boxers et de la répression occidentale qui s’ensuit. 2000 voit au contraire la République populaire frapper à la porte de l’OMC et adopter une série de réformes économiques, juridiques et culturelles qui trouvent souvent leur inspiration en Occident. À bien des égards, pourtant, la Chine d’aujourd’hui a conservé la marque de celle de l’impératrice Cixi : le nationalisme chinois reste vif aussi bien dans les relations avec Taiwan que dans le reste de l’Asie ; et les élites comme la population restent partagées entre l’aspiration à la modernité et la peur de l’interdépendance induite par le processus mondial de globalisation. Mais l’avenir de la Chine est peut-être ailleurs : dans la participation à la constitution d’ensembles régionaux aux côtés de l’Europe ou de l’Amérique latine, plutôt que dans une course à la superpuissance avec les États-Unis qui semble déjà perdue.
1900-2000 : pour aucun autre pays que la Chine cet arbitraire rapprochement séculaire n'est-il aussi évocateur ni peut-être aussi trompeur. 1900, année de la révolte des Boxeurs puis du siège des Occidentaux dans leur quartier des légations de Pékin, se conclut par une expédition militaire suivie d'exactions et des plus lourdes sanctions jamais infligées à la Chine. Immortalisé, quoiqu'en sens contraire, dans la mémoire populaire chinoise et occidentale, l'événement est pourtant moins important que l'échec dramatique de la réforme de l'empire, lors des Cent Jours de 1898 : l'explosion de xénophobie officielle, qui donna aux Occidentaux l'occasion d'humilier et de mettre en coupe réglée la Chine, était elle-même la conséquence de l'écrasement intérieur des réformes entreprises sur le modèle occidental.
Un faux parallèle ?
Cette perspective chronologique s'inverse cent ans plus tard. 2000 est l'année du plus grand pas en avant accompli par la Chine vers son intégration globale. L'accord avec les grands partenaires occidentaux permet l'entrée à l'OMC, au prix d'un processus douloureux, pour la société chinoise, de réformes économiques, juridiques et culturelles : un traité international sert ainsi de levier à ceux des dirigeants chinois qui veulent poursuivre certaines réformes intérieures en soulignant leur inévitabilité à l'ère de l'économie globale. Et pourtant, cette décision collective et controversée en Chine même fait suite aux exhalaisons nationalistes de 1999 : contre les États-Unis, d'abord, après le bombardement accidentel de l'ambassade chinoise à Belgrade, et contre Taiwan, ensuite, après les propos du président taiwanais, Lee Teng-hui, sur l'existence de « relations spéciales d'État à État » de part et d'autre du détroit de Formose.
Ajoutera-t-on, pour l'anecdote, que la Chine de l'an 2000 est divisée par les agissements de la secte populaire du Falungong, à l'idéologie mi-bouddhiste, mi-obscurantiste, et que son gouvernement ne sait toujours pas quelle attitude adopter vis-à-vis des cultes autonomes du pouvoir temporel, comme le lamaïsme tibétain et le catholicisme ? À l'orée du XXIe siècle comme à celle du XXe, la Chine apparaît ainsi partagée entre une modernisation au prix de révisions internes difficiles et la tentation du sursaut national contre l'interdépendance. Certes, la politique étrangère chinoise, comme celle de tout État- nation, ne peut être dissociée de l'appréciation de ses grands intérêts, aujourd'hui géoéconomiques autant que géopolitiques. Mais, à la différence de nations modernes qui ont accepté l'interdépendance, la politique étrangère chinoise reste également subordonnée à un débat politique intérieur non seulement récurrent, mais aussi quasi obsidional, sur l'identité chinoise et sa survie. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- Un faux parallèle ?
- Interdépendance, répulsion, fascination
- Taiwan, un révélateur et l'occasion d'une mutation ?
- Souveraineté ou intégration : l'aggiornamento
François Godement est professeur des universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) et chercheur associé à l’Ifri.
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
100 ans de Chine : de la révolte des Boxers au grand pas en avant vers l'intégration globale
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesCambodge-Thaïlande : un accord de paix en trompe-l’oeil
Après le Moyen-Orient, Donald Trump a vu en Asie du Sud-Est une nouvelle opportunité de consolider son image de président faiseur de paix. Confirmée à la dernière minute par la Maison-Blanche, sa participation au sommet de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) a ainsi été conditionnée à l’organisation en grande pompe d’une cérémonie de signature d’un accord de paix entre le Cambodge et la Thaïlande.
Le rôle clé de la Chine dans les chaînes de valeur des minerais critiques
La Chine occupe aujourd’hui une position dominante dans les chaînes de valeur des minerais critiques, de l’extraction à la transformation jusqu’aux technologies en aval. Cette suprématie repose sur des décennies de politiques industrielles et lui confère une influence stratégique considérable sur la sécurité d’approvisionnement mondiale, notamment pour l’Union européenne.
Un an de présidence Prabowo : entre populisme économique et reflux démocratique
Élu à presque 60 % des suffrages en février 2024, Prabowo Subianto est officiellement devenu le huitième président de la République indonésienne le 20 octobre 2024. Adoubé par son prédécesseur et ancien rival, Joko « Jokowi » Widodo, porté par une immense popularité, en particulier auprès de la jeunesse, le nouveau chef de l’État n’a pas tardé à mettre en œuvre son programme pour une « Indonésie qui avance » (Indonesia Maju).
États-Unis/Taïwan : le temps de la confusion stratégique
En s’opposant à la volonté de la Chine d’annexer Taïwan, les États-Unis d’Amérique contribuent, depuis des décennies, au maintien du statu quo, toute tentative d’invasion chinoise entraînant, avec une potentielle intervention américaine, le risque d’une nouvelle guerre mondiale. Mais dans l’agitation suscitée par les conséquences internationales du retour au pouvoir de Donald Trump, une question sème le trouble dans les esprits : à l’égard de Taïwan, quelle sera l’attitude d’une administration dédaigneuse des alliés des États-Unis mais obsédée par la compétition avec la Chine ?