Russian Strategic Thinking and Culture Before and After February 24, 2022: Political-Strategic Aspects
Rédigé par Dimitri Minic, l'article scientifique "Russian Strategic Thinking and Culture Before and After February 24, 2022: Political-Strategic Aspects" a été publié dans "Russia’s war against Ukraine : Complexity of Contemporary Clausewitzian War" par le département de la guerre de l'Université Nationale de Défense d'Helsinki en 2024.
Introduction
La pensée militaire russe post-soviétique a été marquée par la théorisation du contournement de la lutte armée, dont l'« Opération militaire spéciale (OMS) », censée en être une illustration, a été l'issue fatale. L'armée russe n'était pas préparée à la guerre longue et de haute intensité qui a suivi l’échec de l’OMS, et la réflexion stratégique russe avait passé les 30 dernières années à cultiver et digérer l'idée que le poids de la lutte armée interétatique avait considérablement diminué, voire était devenu facultatif. Parallèlement, l'armée russe a subi des réformes compatibles avec cette évolution théorique, aboutissant à la création de forces plus professionnelles, flexibles et bien équipées. La perception de l'Occident et les spécificités de la culture stratégique russe ont également joué un rôle central dans la pensée et la pratique stratégique russe post-soviétique.
La guerre en Ukraine a été un point culminant de cette pensée, culture et pratique. L’OMS a été longuement commentée par les élites militaires russes, qui en évaluent les dimensions politico-stratégiques ainsi que militaire-opérationnelles. Ici, nous nous concentrons sur les dimensions stratégiques et politiques du discours militaire russe, qui bénéficie encore d'une relative liberté d'expression permettant une critique (souvent indirecte). Deux thèmes principaux émergent de l'examen militaire russe. Le premier concerne la nature et le déclenchement de l’OMS. Bien que l'OMS soit analysée comme une opération préventive, sa planification, sa préparation et même l'opportunité de son lancement ont suscité de nombreuses critiques. Le second concerne les raisons que les élites militaires russes estiment légitimer l’OMS. En tant qu’entité ontologiquement malveillante et anti-russe, l’Occident subit un déclin qu’il cherche à empêcher par tous les moyens, y compris en cherchant à détruire la Russie. De ce point de vue, l’OMS représente une double promesse : accélérer l’effondrement de l’Occident et poser les bases d’un nouvel ordre mondial.
Plusieurs questions se posent : quelles continuités et inflexions peuvent être identifiées dans la pensée stratégique russe après le 24 février ? L’OMS a-t-elle remis en cause ou confirmé des idées aux yeux des théoriciens militaires russes ? L'échec stratégique initial de l’OMS et les conséquences politiques défavorables pour la Russie (sanctions, déconnexion de l’Occident) ont-ils remis en question certaines croyances des théoriciens militaires ? Quelles limitations sont apparues dans le discours militaire russe après le 24 février ?
Ce travail repose principalement sur l’analyse de sources primaires de la littérature militaire russe, en particulier les revues militaires « scientifiques » du ministère de la Défense (MD) en tant que principal (et historique) vecteur militaire-théorique du MD russe et de l’État-Major Général (EMG), Voennaâ Mysl' (VM) – une source ouverte où des officiers supérieurs et généraux, actifs, en réserve ou retraités, des professeurs, chercheurs, directeurs et/ou commandants (et même des acteurs de la guerre en Ukraine) s'adressent à leurs pairs et aux plus hauts dirigeants militaires et politiques du pays. Cet article bénéficie également de l’analyse des sources primaires présentes dans mon livre (dictionnaires et encyclopédies militaires, discours d’officiels militaires et politiques, et documents de doctrine stratégique en particulier), ainsi que de l’approche choisie dans ce dernier (articulation, dans l’analyse, des éléments théoriques-militaires, de la culture stratégique et des éléments biographiques des élites militaires russes). Enfin, il s’inscrit dans la continuité chronologique de mon livre, qui se terminait par une tentative d’explication de l’OMS en termes de pensée stratégique et de culture russes post-soviétiques, étudiées entre 1993 et 2021.
Cette publication est uniquement disponible en anglais.
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