04
oct
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Matthias Krupa dans Die Zeit

La grande panne

La France a longtemps essayé de se mesurer à l’Allemagne qu’elle a admiré pour son succès économique, reconnaissant ses compétences en planification et en gestion budgétaire. Cependant, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a mis en évidence les vulnérabilités du modèle économique allemand, le regard sur le voisin outre-Rhin a changé. Avec la baisse de la production économique allemande – tandis que la production française s’accroît – et les dissensions dans la coalition « feux tricolores » l’admiration cède la place au doute.

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« L’arrogance de l’ère Merkel est de retour », écrivait récemment le Figaro à propos de Berlin à Bruxelles. En quatre pages, le journal analyse les difficultés que rencontre l’économie allemande (« la grande panne du modèle allemand ») et commente les conséquences supposées : « L’Allemagne est prête à tout pour préserver son propre avantage. Cela implique également le ralentissement de la compétitivité de ses partenaires tandis que Berlin est incapable d’améliorer la sienne. » 

La fin de l’approvisionnement en gaz en provenance de Russie et la lutte contre le changement climatique ont exacerbé les antagonismes entre les deux pays. D’un côté, le gouvernement français, ardent défenseur de l’énergie atomique, qui désire construire six nouvelles centrales nucléaires dans un avenir proche, mais ne sait pas où trouver les fonds. De l’autre, l’Allemagne qui n’a pas réussi à développer les infrastructures nécessaires à la transition énergétique au cours des dix dernières années et qui a fermé ses trois dernières centrales nucléaires, alors que l’énergie devient une denrée rare. 

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 Les enjeux sont considérables pour les deux pays, ce qui génère une grande incertitude des deux côtés », explique Marc-Antoine Eyl-Mazzega, à la tête du département énergie à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Cette situation alimente des conflits récurrents, que ce soit sur l’évaluation des investissements privés dans l’UE, la taxonomie, les investissements de la Banque européenne d’investissement ou la structuration du marché de l’électricité. Tandis que la France perçoit l’énergie nucléaire comme une composante essentielle de la transition écologique et souhaite la promouvoir avec le soutien de l’Union européenne, le gouvernement allemand insiste sur la primauté des énergies renouvelables et refuse de soutenir les investissements dans l’énergie nucléaire. 

On retrouve également cette dichotomie au sujet du marché européen de l’électricité. En mars, la Commission européenne a soumis des propositions de réforme visant à mieux protéger les consommateurs contre les fluctuations des prix et à instaurer un nouvel instrument de soutien à la production d’énergie. Concrètement, les États devraient désormais conclure des contrats avec les producteurs nationaux d’électricité, établissant ainsi un prix garanti. Si le prix réel sur le marché de l’électricité est inférieur, l’État prendrait en charge les coûts supplémentaires, subventionnant ainsi les entreprises. S’il est supérieur, les entreprises devraient verser la différence à l’État, qui pourrait alors investir. Ce principe n’est pas en soi controversé, mais la question porte sur les différentes sources de production d’énergie et leurs subventions. La proposition de la Commission mentionne explicitement les incitations à la « production d’énergie non fossile », incluant ainsi l’énergie nucléaire. Cela suscite l’inquiétude du gouvernement allemand, qui craint que le gouvernement français n’utilise cet instrument non seulement pour promouvoir de nouvelles centrales nucléaires, mais également pour prolonger la durée de vie de ses anciens réacteurs, souvent en mauvais état. 

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L’année dernière, la France a dû importer de l’électricité d’Allemagne pour compenser les nombreuses défaillances de ses centrales nucléaires. Entre-temps, la plupart des réacteurs français ont été reconnectés au réseau – et l’Allemagne doit importer de l’électricité du pays voisin. 

Dans une interview accordée au Handelsblatt, la ministre française de l’Energie, Agnès Pannier Runacher, s’en est pris à Berlin : « C’est une contradiction d’importer massivement l’énergie nucléaire française d’une part et de rejeter tout texte et législation dans l’UE qui reconnaît la valeur ajoutée de cette forme d’énergie bas carbone d’autre part. » L’Allemagne et la France doivent parvenir à un accord d’ici la fin de l’année pour que la réforme du marché de l’électricité puisse être adoptée avant les élections européennes. 

 

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