La Grande Guerre, en théories
La Première Guerre mondiale a permis l’émergence de la discipline des relations internationales, mais ce sont la Seconde Guerre mondiale puis la guerre froide qui en ont favorisé le développement. Le premier conflit mondial demeure une réserve fertile d’exemples et d’arguments sur les causes et le déroulement de la guerre et de la paix. Mais sa place centrale dans cette discipline est contestée par la révolution nucléaire, la force des nationalismes ou le rôle nouveau du terrorisme.
Alors que les derniers vestiges de la Grande Guerre pourrissent, les universitaires continuent de s’en disputer la carcasse. Comme l’observe Dale Copeland : « La Première Guerre mondiale est probablement l’exemple le plus analysé et le plus controversé entre spécialistes des relations internationales. » Pour le meilleur ou pour le pire, consciemment ou non, ces débats ont structuré la manière dont nous pensons les problèmes actuels et concevons les politiques à venir.
Mais comment la Première Guerre mondiale marque-t-elle la réflexion sur les relations internationales ? Si elle a permis de poser les bases de la théorie moderne des relations internationales, ce sont la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre froide, qui ont construit la discipline. La Grande Guerre a été une première étape décisive dans la recherche de la connaissance, mais comme étape d’un processus qui s’est accéléré une génération plus tard. Dans une certaine mesure, la Première Guerre mondiale nous permet encore de comprendre comment fonctionne notre monde ; d’un autre côté, elle n’est pas un exemple totalement pertinent dans un âge que marquent les armes nucléaires, le nationalisme désintégrateur et le terrorisme moderne.
Portraits d’époques
Pour saisir le legs de la Grande Guerre, il faut se référer à l’évolution de la pensée sur les relations internationales : un triptyque dont les trois panneaux sont séparés par la Première et la Seconde Guerres mondiales. Sur le premier panneau, chacun reconnaîtra les penseurs classiques des causes et de la conduite de la guerre : Hérodote, Thucydide, Xénophon, Machiavel et Clausewitz… Beaucoup reconnaîtront aussi que ces penseurs jouent le même rôle dans la science politique qu’Aristote, Léonard ou Newton dans les sciences actuelles. Certains relèveront peut-être que ces auteurs étaient des praticiens ou des historiens. Le deuxième panneau exhibe des visages moins familiers, une poignée de géopoliticiens et de protothéoriciens : Alfred Mahan, Halford John Mackinder, Friedrich Meinecke, Otto Hintze, Carl Schmitt, Edward Hallett Carr… Bien que beaucoup de ces auteurs soient encore des références, seuls Carr et Schmitt sont toujours largement lus. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- Portrait d’époques
- La conduite de la guerre
- Causes de la guerre
- Causes de la paix
Joseph A. Karas est chercheur indépendant à Chicago, spécialiste de théorie des relations internationales et de psychologie politique.
Joseph M. Parent est maître assistant de science politique à l’université de Miami. Il a récemment publié : Uniting States: Voluntary Union in World Politics (New York, NY, Oxford University Press, 2011) et fera prochainement paraître: American Conspiracy Theories.
Traduit de l’anglais par Dorothée Cailleux.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 79, n° 1, printemps 2014
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