L’approvisionnement énergétique de Taïwan : talon d’Achille de la sécurité nationale

Faire de Taïwan une « île morte » à travers « un blocus » et une « rupture de l’approvisionnement énergétique » qui mènerait à un « effondrement économique ». C’est ainsi que le colonel de l’Armée populaire de libération et professeur à l’université de défense nationale de Pékin, Zhang Chi, décrivait en mai 2024 l’objectif des exercices militaires chinois organisés au lendemain de l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te. Comme lors des exercices ayant suivi la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022, la Chine avait défini des zones d’exercice faisant face aux principaux ports taïwanais, simulant de fait un embargo militaire de Taïwan. Ces manœuvres illustrent la pression grandissante de Pékin envers l’archipel qu’elle entend conquérir et poussent Taïwan à interroger sa capacité de résilience.

Taïwan, archipel grand comme la Belgique mais aussi peuplé que l’Australie (23 millions d’habitants), dispose d’un système énergétique insulaire, dont le réseau électrique est isolé. Celui-ci alimente une population parmi les plus denses au monde et des industries de pointe très énergivores, concentrées à l’ouest d’une imposante chaîne de montagnes centrale traversant l’île du nord au sud. Le territoire taïwanais comprend par ailleurs plusieurs îles qui doivent compter sur leur propre approvisionnement énergétique, et notamment Kinmen et Matsu, deux îles situées à quelques kilomètres seulement des côtes chinoises.
Pour répondre à ces besoins, le mix électrique taïwanais repose majoritairement sur les énergies fossiles (gaz et charbon). Cette dépendance va se maintenir après la sortie définitive du nucléaire en 2025 (un engagement pris par le Parti démocrate-progressiste [PDP] lors de son accession au pouvoir en 2016), malgré le développement rapide des énergies renouvelables.
Dans un contexte de tensions régionales, l’approvisionnement énergétique représente un véritable talon d’Achille pour la sécurité nationale de Taïwan. Avec 96 % de son énergie importée, l’archipel apparaît hautement vulnérable à un embargo ou à une perturbation du trafic maritime. Les capacités de stockage des combustibles sont par ailleurs limitées, comme en témoigne la réserve légale de huit jours pour le gaz naturel liquéfié (GNL). La localisation des principaux réservoirs de gaz et de pétrole hors-sol à l’ouest de Taïwan, tout comme les principales centrales électriques et le réseau de distribution, augmentent l’exposition du système énergétique en cas d’attaque militaire de type bombardement.
Conscient de l’enjeu, le gouvernement taïwanais cherche à renforcer son indépendance énergétique, en encourageant par exemple le développement des énergies renouvelables, en diversifiant les fournisseurs d’énergies fossiles, en augmentant les capacités de stockage des combustibles et en renforçant la sécurité du réseau.
Mais le gouvernement peine à formuler une politique énergétique explicitement en adéquation avec les besoins de sécurité nationale. La politique énergétique est pourtant indissociable de la sécurité nationale, alors que la confiance des Taïwanais en leur capacité de défense est mitigée. Le secteur pâtit en outre d’un éclatement des responsabilités entre acteurs privés, gouvernement et entreprises étatiques, entraînant des stratégies d’investissement inadaptées. Il doit par ailleurs composer avec d’autres impératifs, tels que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les exigences de production d’une électricité bon marché pour le secteur industriel.
Cette étude repose sur des sources ouvertes ainsi que de nombreux entretiens avec des acteurs du secteur, des experts et des représentants politiques, effectués entre mai et juillet 2024 à Taipei.
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